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De l'UNOC à la Bretagne, la mer en débat : interview de Stéphane Pennanguer

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    Pytheas asso
  • il y a 5 jours
  • 5 min de lecture

À trois mois de la Troisième Conférence des Nations Unies pour l’Océan, l’attention médiatique autour de cet événement ne cesse de croître. Dans ce contexte, Pytheas France a choisi cette semaine d’interroger Stéphane Pennanguer, responsable du service des politiques maritimes (SPOMAR) de la Région Bretagne, afin de mieux cerner les enjeux maritimes régionaux.


Stéphane Pennanguer, est ingénieur d’étude, en poste à la région Bretagne et docteur en halieutique.
Stéphane Pennanguer, est ingénieur d’étude, en poste à la région Bretagne et docteur en halieutique.

La Bretagne et l’économie maritime


Avec 2 700 km de côtes soit près d’un tiers du littoral métropolitain, une pointe excentrée à l’ouest, et près de 800 îles et îlots, la région Bretagne a une identité maritime forte.La région est à forte caractéristique agricole : 79 % des surfaces sont occupées par des terrains agricoles, contre 51 % à l’échelon national. 7 % des terres sont artificialisées, contre 5 % pour le territoire national. Le produit intérieur brut breton s’élève à 99 milliards d’euros en 2018, soit 4 % de la richesse produite en France. Les activités de l’économie maritime mobilisent 74 500 personnes, représentant 6 % de l’emploi régional, soit trois fois plus que la moyenne nationale. Près de la moitié des emplois est concentrée dans trois domaines d’activités maritimes traditionnels : la filière des produits de la mer, la construction et réparation navale ainsi que la Marine nationale.


En 2015, près de 4 340 marins embarquent sur les navires de pêche bretons, soit un tiers des effectifs nationaux.Intermédiaires entre les producteurs, les pêcheurs et les distributeurs, près de 2 000 personnes sont mareyeurs ou grossistes en poissons. L’aquaculture emploie 2 300 personnes en 2015 travaillant au sein de petites structures familiales. Elle représente un quart des effectifs nationaux. La Bretagne devance l’ensemble des régions françaises dans l’activité de transformation des produits de la mer, mobilisant plus de 3 600 personnes, soit 30 % des salariés nationaux du secteur. S’y ajoutent près de 900 salariés travaillant dans d’autres entreprises de l’agroalimentaire, notamment celles fabriquant des plats préparés à base de poissons. Ces établissements sont localisés surtout dans le Finistère et le sud du Morbihan.


L’UNOC3, un grand rassemblement, mais une coopération déjà en action


L’Organisation des Nations Unies pour les Océans et la Conservation (UNOC) se présente comme une gigantesque machine internationale impliquant divers acteurs : États, ONG, institutions diplomatiques. Son objectif est clair : poser les enjeux de la préservation des milieux marins sur l’agenda mondial. Cependant, les attentes restent grandes quant à l’issue de cette initiative, souvent comparée à la Conférence des Parties (COP).


Depuis le Sommet de la Terre à Rio en 1992, les engagements pour la conservation marine ont évolué, mais les débats dans la presse révèlent un contexte de plus en plus conflictuel. La diplomatie, autrefois nuancée, tend aujourd’hui vers une simplification parfois excessive, où les discours sont caricaturés et où certaines contre-vérités se répandent rapidement. Ce phénomène est particulièrement visible dans les communications sur les questions maritimes, où les résumés simplifiés peuvent parfois masquer des réalités complexes. L’UNOC doit ainsi relever un défi majeur : dépasser ces distorsions médiatiques pour parvenir à des engagements concrets.*


La collaboration entre différents acteurs pour la gestion des milieux marins n’a pas attendu l’UNOC. En Europe, la gestion des fonds communautaires a déjà permis une coopération forte entre différentes structures, notamment via des initiatives comme le Fond Européen pour les affaires maritimes, la pêche et l’aquaculture (FEAMPA) et le Développement Local mené par les Acteurs Locaux (DLAL). Ces collaborations s’organisent à plusieurs échelles : locale avec les acteurs de la mer engagés dans les démarches DLAL, régionale régionale avec les Etablissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI) assurant le portage du DLAL, nationale avec les Régions en charge de la mise en oeuvre du DLAL, et européen avec les Etats membres engagés dan le FEAMPA. Par ailleurs, on peut également illustrer les collaborations développées par l'intermédiaire de la mer en reprenant les initiatives prises par la Bretagne à l'échelle de l'arc celtique avec l'Ecosse, l'Irlande, le Pays de Galles et la Galice.


Toutefois, ces collaborations prennent du temps et ne se limitent pas à une simple dimension économique. Elles sont souvent portées par la volonté de dynamiser les territoires et d’assurer un développement local et territorial bénéfique à la population. En France, les régions n’ont pas de compétence directe sur la gestion des zones maritimes, celles-ci relevant de l’État. Pourtant, le lien entre développement territorial et état des écosystèmes marins reste crucial.


La Bretagne et la mer, une politique de développement engagée


Le contexte maritime français met en lumière la pluralité des activités et des défis à relever. La région Bretagne, par exemple, est impliquée dans plusieurs aspects de la gestion maritime, comme la pêche et l’aquaculture, les énergies marines renouvelables, la gestion portuaire. Cependant les compétences des Régions en matière maritime sont relativement limitées. On peut par exemple mentionner la gestion portuaire : la Région Bretagne est ainsi propriétaire de 20 ports ; le développement durable de la pêche et de l'aquaculture avec la mise en oeuvre place du FEAMPA ou encore la gestion de la zone côtière par le biais du Schéma Régional d'Aménagement, de Développement Durable et d'Egalité des Territoires (SRADDET). Beaucoup de sujets relèvent des compétences de l'Etat, comme par exemple la politique des pêches, la sûreté et la sécurité en mer, ou encore les politiques de conservation du milieu marin.


La question de la préservation du milieu marin a peu à peu investi l’espace public, que ce soit au niveau local — avec les débats entre acteurs autour de projets économiques ou de préservation d’espaces maritimes — ou au niveau national, à travers la réglementation à mettre en oeuvre dans les aires marines protégées. Ces débats deviennent de plus en plus tendus et aboutissent souvent à une impasse en matière de gestion concertée. Il est important d’y apporter de l’écoute, de la nuance, et une approche systémique. Les enjeux de gestion et de préservation du milieu marin sont complexes : si des solutions simples existent, elles auraient probablement déjà été mises en oeuvre. Certes, dans certains cas, il y a urgence à agir. Mais il convient de veiller à ne pas déplacer les problèmes, comme c’est parfois le cas lorsqu’on interdit certaines pratiques de pêche dans nos espaces maritimes, tout en important des poissons capturés dans des conditions bien plus néfastes pour l’environnement. Il est indispensable d’agir avec les acteurs locaux pour mettre en oeuvre des mesures de gestion qui tiennent compte des réalités territoriales, sans quoi les objectifs poursuivis risquent de ne pas être atteints. Chaque individu, chaque catégorie d’acteurs, chaque échelon territorial détient une part de la solution.


Il reste à inventer ou renforcer des formes de gouvernance qui favorisent les collaborations, permettant à chacun de mobiliser ses savoir-faire et ses compétences. L’UNOC doit sans doute à la fois indiquer les caps à suivre en matière de gestion du milieu marin, mais aussi promouvoir les méthodes et principes d’action qui rendent possibles des collaborations porteuses de solutions durables pour l’avenir des mers et des océans. Cependant, un constat persiste : Il est essentiel que les jeunes générations prennent pleinement part à ces débats, car c’est leur avenir qui se joue aujourd’hui, et leur voix peut être un puissant moteur de changement.


L’UNOC est une opportunité pour repenser les engagements internationaux sur la préservation des milieux marins, mais elle ne peut ignorer les limites de son approche simplifiée et les défis diplomatiques liés à la diversité des acteurs impliqués. La coopération maritime, déjà bien ancrée depuis plusieurs années, doit poursuivre ses efforts pour concilier développement territorial, sûreté maritime et gestion écologique, en plaçant ces enjeux au coeur des priorités politiques internationales.

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