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Des ressources globales sous pression : comprendre les tensions et leur gestion

  • Photo du rédacteur: Martin Prouvost
    Martin Prouvost
  • il y a 3 jours
  • 9 min de lecture

Programme de l'enseignement d'histoire géographie de la classe de seconde générale et technologique


Les sociétés contemporaines vivent dans un régime d’exploitation matérielle global : minerais, combustibles fossiles, biomasse, eau, ressources halieutiques, aucune ressource naturelle n’échappe à cette intensification. Le rythme d’extraction dépasse largement la biocapacité de la planète, comme l’illustre la date du Jour du dépassement, fixée cette année au 24 juillet, symbolisant le moment où l’humanité a consommé l’ensemble des ressources que la Terre peut régénérer en un an. 


Ce constat brut rappelle que la disponibilité des ressources, longtemps perçue comme acquise, est l’un des enjeux centraux du XXIᵉ siècle. Dans un contexte d’urbanisation accélérée, de croissance démographique persistante et d’essor technologique, la pression sur les milieux et les ressources s’intensifie, révélant des limites physiques qui se traduisent par des tensions sociales, économiques et géopolitiques. Conséquence, la consommation mondiale de matériaux a été multipliée par trois depuis les années 1970 et les besoins continuent d’augmenter sous l’effet conjugué de l’expansion démographique, de l’urbanisation et de l’essor technologique. Les impacts du changement climatique accentuent encore cette dynamique, en délégitimant l’idée d’un accès illimité aux ressources naturelles. La pression exercée sur les milieux se traduit par des tensions à toutes les échelles : rivalités entre secteurs économiques, inégalités sociales, conflits territoriaux ou stratégiques. Face à cela, les dispositifs de gestion cherchent à atténuer ou à réguler ces tensions, mais leurs limites apparaissent de plus en plus nettement. 


Il s’agit donc de comprendre comment la pression sur les ressources génère des tensions multiformes et dans quelle mesure les réponses actuelles permettent ou non d’assurer une gestion durable et équitable.



Image d’une mine de Cobalt en R.D.C 
Image d’une mine de Cobalt en R.D.C 

Image de Déforestation le long de la rivière Jari, au Nord du Brésil
Image de Déforestation le long de la rivière Jari, au Nord du Brésil

I. Une pression croissante sur les ressources : l’eau en première ligne

Parmi les plus grands besoins de l’humanité, l’accès à l’eau et l’énergie sont les deux grands indispensables d’une société moderne. Pourtant, l’une et l’autre de ces ressources sont inégalement réparties sur la planète et profitent différemment aux populations du monde. 


La pression sur ces ressources s’explique d’abord par des facteurs structurels qui tiennent à la croissance de la population mondiale et à la transformation des modes de vie. L’augmentation prévue de la population d’ici le milieu du siècle implique une demande accrue en eau potable, en énergie électrique, en matériaux de construction ou en produits alimentaires, par exemple. De plus, l’urbanisation rapide accentue cette tendance en généralisant des modes de vie à forte empreinte matérielle. Les infrastructures urbaines, la mobilité motorisée, l’essor du numérique et la diffusion des biens de consommation multiplient les besoins en métaux, en températures contrôlées et en ressources énergétiques. S’ajoute la transition énergétique, qui repose sur une intensification de l’extraction de minerais critiques indispensables aux technologies dites propres. Cette montée des besoins se heurte à des limites physiques de plus en plus visibles. L’eau douce se raréfie dans de nombreuses régions du monde en raison de la baisse des précipitations, de la surexploitation des nappes phréatiques et de la modification des régimes hydrologiques. 


Par exemple, la situation du bassin du Colorado illustre la pression structurelle exercée sur une ressource vitale. Ce fleuve fournit de l’eau à plus de quarante millions d’habitants répartis sur plusieurs États de l’Ouest américain et sur le nord du Mexique. Or la répartition de ses eaux repose sur des accords élaborés en 1922, à une époque où les débits étaient plus élevés et où les usages étaient bien moindres. Cette organisation juridique a attribué plus d’eau que ce que le fleuve peut réellement fournir sur le long terme. Les effets combinés du changement climatique, de la croissance urbaine et de l’extension agricole ont aggravé la situation au point où les grands réservoirs, comme les lacs Powell et Mead, ont atteint des niveaux critiques. En 2023, après des années de crises, l’administration Biden a annoncé un accord avec sept États de l’Ouest pour réduire leur consommation d’eau du fleuve Colorado, affaibli par plus de vingt ans de sécheresse aggravée par le réchauffement climatique. Ce compromis offre un sursis à ce fleuve essentiel, qui alimente près de 40 millions de personnes et irrigue des millions d’hectares. Son débit ayant chuté d’un tiers ces dernières années, l’Ouest américain se trouvait au bord de la catastrophe. L’accord prévoit d’économiser 3,7 milliards de m³ d’ici 2026, principalement grâce à la Californie, au Nevada et à l’Arizona, qui réduiront leurs prélèvements de 13 %. Washington financera les trois quarts de l’effort, en versant 1,2 milliard de dollars pour inciter agriculteurs et municipalités à consommer moins, le reste étant supporté par les États eux-mêmes. 


Image du Fleuve colorado
Image du Fleuve colorado

De même en Inde, où la première source d’approvisionnement en eau s'effectue par le pompage des nappes phréatiques qui représente 70 % à 80 % des prélèvements. En d’autres termes, il s’agit de 250 milliards de m3 d’eau. Cette surexploitation représente une menace environnementale. Si l’Inde a cette chance d’avoir des nappes phréatiques relativement hautes qui facilitent l’extraction de l’eau, le nombre de forages a très vite décuplé durant la deuxième moitié du XXe siècle. Aujourd'hui, on dénombre 30 millions de puits ou de forages sur le sol indien et les nappes phréatiques n’ont aujourd’hui plus la capacité de se régénérer. La situation est particulièrement critique dans le Nord-Ouest, au Pendjab, au Rajasthan, en Haryana et à Delhi. Cette surexploitation de l’eau va de pair avec la sur-irrigation des champs qui conduit à une salinisation et à l’appauvrissement des sols. L’Inde est régulièrement confrontée aux contaminations par arsenic des eaux contenues dans les nappes, ce qui représente une menace d’empoisonnement pour les populations locales et pour l’écosystème environnant. À ceci, il faut ajouter l’utilisation excessive d’engrais et le dépôt de déchets industriels en pleine nature, qui accélèrent la dégradation de l’environnement.


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II. Des tensions multiformes : économiques, sociales et géopolitiques

Lorsque la pression sur ces ressources augmente, les conflits d’usage se multiplient entre les populations, le secteur économique et les gouvernements. L’agriculture irriguée, les besoins domestiques, les activités industrielles et les usages énergétiques entrent régulièrement en rivalité pour l’accès à l’eau.


Les arbitrages deviennent particulièrement complexes dans les territoires confrontés à la sécheresse ou à l’augmentation démographique. De la même manière, les sols font l’objet d’une concurrence croissante entre l’urbanisation, l’agriculture vivrière, les cultures agro-industrielles ou les projets miniers. Ces conflits révèlent les limites de modèles de développement centrés sur l’abondance présumée des ressources. Ils génèrent des tensions locales et structurent des rapports de force entre acteurs, qui cherchent à défendre leurs intérêts sectoriels dans un contexte où la ressource ne peut satisfaire toutes les demandes simultanément. Les tensions induites se manifestent surtout sur le plan social, les populations les plus pauvres étant les premières exposées aux pénuries, à la dégradation de l’environnement et aux effets des catastrophes. Ces groupes disposent rarement des moyens financiers ou techniques pour s’adapter aux perturbations, ce qui accentue les vulnérabilités. Cette asymétrie alimente des critiques croissantes sur l’injustice environnementale et met en lumière l’existence d’un partage très inégal des bénéfices et des coûts liés à l’exploitation des ressources. Les tensions sociales et territoriales qui en résultent remettent en cause la légitimité des politiques de gestion lorsqu’elles sont perçues comme privilégiant certaines populations au détriment d’autres.


En Inde, la pénurie d'eau, exacerbée par la croissance démographique et le changement climatique, alimente des tensions entre États fédérés, chacun cherchant à sécuriser son accès aux grands fleuves. À cela s'ajoute l'opposition entre les zones urbaines, qui consomment une grande part des ressources, et les régions rurales, où l’eau est vitale pour l’agriculture. La privatisation des ressources hydriques complique encore la situation, restreignant l'accès des populations les plus vulnérables. Par ailleurs, certaines communautés utilisent l'eau comme levier politique, allant jusqu'à interrompre l'approvisionnement de métropoles comme Delhi lors de manifestations. En 2020, les réformes agraires proposées par le gouvernement catalysent le mécontentement et la révolte de dizaines de milliers d’agriculteurs à Delhi, souffrant déjà des sécheresses chroniques, du manque de parcelles cultivables et du manque d’approvisionnement en eau. Ainsi, ces enjeux environnementaux catalysent les tensions entre la gouvernance et la société indienne et provoquent des conflits.  Dans la mesure où la gestion et la répartition des eaux sont les problématiques les plus préoccupantes, il revient donc aux États d’adopter des politiques durables. Une première solution est envisagée par l’Etat du Téléga, qui prévoit pour 2026 de prélever l’eau de la rivière Godavari, sur plus de 300 km. Une autre façon d'accroître l'offre hydraulique existante.


Révolte des paysans indiens dans le Nord du pays (2020)
Révolte des paysans indiens dans le Nord du pays (2020)

Autre exemple, le pétrole, qui constitue l’une des ressources les plus emblématiques de ces tensions multiformes. Son extraction, sa concentration géographique et son transport par des corridors maritimes sensibles rendent l’économie mondiale extrêmement dépendante de régions instables. Le détroit d’Ormuz, par exemple, voit transiter une part considérable du commerce mondial de pétrole et se trouve régulièrement au centre de tensions entre puissances régionales et internationales. Les menaces d’interruption du trafic, les saisies de navires ou les crises diplomatiques suffisent à provoquer des fluctuations importantes du prix du baril et à exposer les États importateurs à des risques majeurs. Le pétrole, en tant que ressource stratégique, révèle ainsi à quel point la pression sur une ressource énergétique peut se traduire par des tensions géopolitiques structurantes, susceptibles de déstabiliser des régions entières et d’influencer durablement les relations internationales. Ainsi, le 15 novembre 2025, l’Iran confirme la saisie d’un pétrolier chypriote battant pavillon des Îles Marshall, un incident qui ravive les inquiétudes autour de la sécurité du détroit. Agissant sur décision de justice, leurs unités navales iraniennes interceptent le navire et Téhéran affirme que le pétrolier transportait une cargaison non autorisée, sans donner de détails. Le navire, qui acheminait 30 000 tonnes de produits pétrochimiques vers Singapour, a été conduit au mouillage pour “traiter les violations” constatées. 


Dans un monde globalisé, les tensions liées aux ressources peuvent être aussi bien locales qu’internationales. C’est pourquoi les tentatives de régulation et de coopération autour de l’exploitation des ressources, restent des défis à relever pour les gouvernements du XXIe siècle. 


Attaque d’un navire dans le détroit d’Ormuz (2014)
Attaque d’un navire dans le détroit d’Ormuz (2014)
III. Gérer les ressources sous tension : régulation et coopération

Face à ces tensions, les gouvernements et les organisations internationales cherchent à instaurer des modes de gestion plus rationnels et plus durables. Les États mettent en place des normes environnementales, des quotas d’usage, des restrictions temporaires en période de sécheresse, des dispositifs de planification et des stratégies de sobriété. 


Ces outils ont pour objectif de réguler l’accès aux ressources et de limiter les usages les plus intensifs. Cependant, leur efficacité se heurte à des obstacles persistants. Les intérêts sectoriels, les inerties institutionnelles, la fragmentation des compétences ou la résistance sociale à la contrainte freinent la mise en œuvre de politiques réellement transformatrices. Les débats autour de la sobriété illustrent bien cette difficulté, car ils impliquent une modification profonde des comportements et une remise en question des modèles économiques fondés sur la croissance matérielle continue. Les innovations techniques sont souvent présentées comme la réponse à la crise des ressources, car les gains en efficacité énergétique, le recours aux énergies renouvelables, le recyclage, les technologies de réduction des consommations d’eau ou l’économie circulaire constituent des avancées dites “vertes”. Toutefois, elles comportent elles aussi des limites. Le développement des technologies renouvelables exige davantage de R.E.E., ce qui déplace la pression vers d’autres ressources et d’autres territoires. Le recyclage, bien que nécessaire, ne suffira pas à compenser la croissance de la demande. En ce sens, les innovations techniques atténuent certaines tensions tout en en créant de nouvelles, ce qui souligne la nécessité d’intégrer ces progrès dans une stratégie plus large de transformation des modèles économiques et industriels.


Le cas de la gouvernance du lithium dans le « triangle du lithium », réunissant le Chili, l’Argentine et la Bolivie, illustre à quel point la gestion d’une R.E.E. peut devenir un enjeu international complexe. Cette région est stratégique, car elle détient entre 60 % et 70 % des réserves mondiales de lithium, ou 68 % des réserves primaires mondiales. Indispensable aux batteries des véhicules électriques et au stockage de l’énergie, le lithium est un pilier industriel de transition énergétique. Toutefois, l’extraction nécessite d’importantes quantités d’eau dans des écosystèmes déjà fragiles. Les communautés locales, en particulier les peuples indigènes, dénoncent l’assèchement des zones humides, la perte de biodiversité et l’absence d’un partage équitable des bénéfices. Les États, quant à eux, adoptent des stratégies divergentes, entre contrôle étatique plus ou moins renforcé, ouverture aux capitaux étrangers et tentatives d’industrialisation. Mais cette dynamique repose largement sur des investissements internationaux massifs. Les entreprises chinoises sont particulièrement présentes : Ganfeng Lithium a investi près d’un milliard de dollars dans plusieurs projets, tandis que CATL a signé un accord de 1,4 milliard de dollars pour développer le Salar del Hombre Muerto. Zijin Mining, de son côté, a acquis Neo Lithium pour 737 millions de dollars et une participation de 25 % dans le projet Rincon. Les acteurs occidentaux restent également engagés, malgré la baisse récente des prix du lithium : Rio Tinto et Eramet cherchent notamment à renforcer une présence stratégique destinée à contrebalancer l’influence chinoise. Cette course aux investissements se fait au détriment des populations locales, qui subissent la globalisation. La gestion d’une ressource critique ne peut être dissociée des enjeux sociaux, politiques et environnementaux, et qu’une gouvernance durable suppose l’intégration des populations concernées et la mise en place de normes strictes en matière de protection des milieux.


Bassins de saumure et zones de traitement dans la mine de lithium au Chili
Bassins de saumure et zones de traitement dans la mine de lithium au Chili

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