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Des trajectoires démographiques différenciées : les défis du nombre et du vieillissement

  • Photo du rédacteur: Martin Prouvost
    Martin Prouvost
  • il y a 3 jours
  • 11 min de lecture

Programme de l'enseignement d'histoire géographie de la classe de seconde générale et technologique


Le 15 novembre 2022, la planète a franchi le cap symbolique des 8 milliards d’êtres humains. Néanmoins, ce chiffre record masque de profondes disparités dans les dynamiques de population à travers le monde. Tandis que certains pays connaissent encore une croissance démographique explosive, notamment en Afrique et en Asie du Sud, d’autres voient leur population stagner, vieillir ou même décliner. Ces trajectoires démographiques différentes posent des défis contrastés : défis du nombre dans les régions en plein boom démographique, et défis du vieillissement dans les sociétés où la population grisonne.


La situation démographique mondiale résulte du décalage des transitions démographiques, qui désigne le passage d’un régime traditionnel (fortes natalité et mortalité) à un régime moderne (faibles natalité et mortalité) qui s’accompagne d’un fort accroissement transitoire de la population. Ce schéma s’est déroulé à des périodes diverses selon les pays, produisant aujourd’hui une mosaïque de situations. Dans les pays à fécondité encore élevée, la population jeune prédomine, conduisant à une croissance toujours rapide. À l’inverse, là où la fécondité est basse depuis longtemps, on observe un vieillissement démographique marqué par l’augmentation de la part des personnes âgées dans la population. Le vieillissement résulte de la baisse de la natalité et de l’allongement de la durée de vie, et il constitue déjà une réalité pressante en Europe de l’Ouest, en Europe de l’Est et en Asie orientale, tandis qu’il commence à toucher les pays du Sud et s’annonce comme l’un des grands bouleversements du XXIᵉ siècle. Ainsi, comment ces dynamiques démographiques divergentes traduisent  des défis simultanés pour le développement, et comment les sociétés peuvent-elles y répondre de manière adaptée, coordonnée et réaliste ? Autrement dit, comment gérer, d’un côté, l’afflux de jeunes populations nécessitant emplois et infrastructures, et de l’autre le poids croissant des aînés sur l’économie et la protection sociale ?


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I. Des trajectoires démographiques divergentes dans le monde

Un autre indicateur démographique irrigue la tendance mondiale. Le contraste entre “pays jeunes” et “pays vieux” est important. À titre d’illustration, la Chine compte environ 12 % de personnes de 65+ (et ce chiffre grimpe rapidement avec l’arrivée à l’âge mûr des générations peu nombreuses nées sous la politique de l’enfant unique), alors que l’Inde n’en compte que 6 % et le Nigeria à peine 3 %. Autrement dit, l’Europe et l’Asie de l’Est doivent composer avec un fort ratio de dépendance des personnes âgées (de plus en plus de retraités pour un nombre décroissant d’actifs), pendant que l’Afrique et certaines régions d’Asie composent avec un ratio de dépendance des jeunes à élever (beaucoup d’enfants et d’adolescents à charge).


Le contraste entre les “vieux” et “jeunes” régionaux


Dans de nombreuses nations en développement, la pyramide des âges est très large à la base, reflétant une natalité soutenue et une majorité de jeunes. Ces trajectoires divergentes se traduisent par des profils d’âge radicalement différents selon les pays. Par exemple, au Niger, pays à la fécondité la plus élevée du monde (près de 7 enfants par femme ces dernières années), près de la moitié de la population a moins de 15 ans. En 2022, environ 50 % des Nigériens avaient moins de 15 ans, tandis que seulement 2 à 3 % avaient 65 ans et plus. D’autres États d’Afrique subsaharienne affichent des structures semblables, avec un âge médian souvent inférieur à 20 ans. Cette jeunesse massive assure une forte croissance interne de la population et augure d’un accroissement continu pendant plusieurs décennies encore en raison de l’inertie démographique, le grand nombre de jeunes entrant en âge d’avoir des enfants garantit des naissances nombreuses, même si chaque femme a progressivement moins d’enfants. À l’opposé, les pays avancés et certaines économies émergentes font face à un vieillissement rapide de leur population, comme le Japon, l’Italie ou l’Allemagne, qui voient désormais le sommet de leur pyramide des âges augmenter. Ainsi, le Japon détient le record mondial de vieillissement : environ 29 % des Japonais ont 65 ans ou plus (2023), un niveau sans précédent historique qui met le système de retraites et de santé sous forte tension. De même, en Europe, la part des seniors dépasse 20 % dans de nombreux pays, par exemple autour de 23 % en Italie et 21 % en Allemagne ces dernières années. À l’échelle mondiale, la proportion de personnes âgées de 65 ans et plus est passée de 9-10 % en 2022 à un niveau projeté de 16 % en 2050, soit près d’un habitant sur six. Symétriquement, les moins de 15 ans voient leur part diminuer dans les populations vieillissantes. 


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Des régions à fort et faible taux de natalité 


Le taux d’accroissement annuel global, qui culminait à plus de 2 % dans les années 1960, est tombé sous 1 % en 2020 pour la première fois depuis 1950. Les projections des Nations unies envisagent une poursuite du ralentissement : environ 8,5 milliards d’habitants en 2030 et 9,7 milliards en 2050, avant un pic autour de 10,4 milliards dans les années 2080. Cette tendance démographique du début du XXIe siècle cache toutefois de fortes disparités régionales : 


“Dans certaines parties du monde, les jeunes (âgés de 15 à 24 ans) représentent une part importante et rapidement croissante de la population. En Afrique subsaharienne, où la population totale devrait doubler d’ici à 2050, les personnes en âge de travailler (de 25 à 64 ans) forment le groupe d’âge dont la croissance est la plus rapide.”, Source : Nations Unies.

Aujourd’hui, près des deux tiers de l’humanité vivent dans un pays où la fécondité est inférieure à 2,1 enfants par femme, c’est-à-dire un niveau insuffisant pour assurer le renouvellement à long terme en l’absence de migrations. Le ralentissement global prévu, s’explique par la baisse de la fécondité moyenne mondiale, passée de 5 enfants par femme vers 1950 à 2,3 aujourd’hui et projetée à environ 2,1 vers 2050, soit le seuil de remplacement des générations. En conséquence, de nombreux pays entrent dans une phase de croissance sans dynamisme, voire de déclin, tandis que d’autres contribuent l’essentiel de l’augmentation de la population mondiale. L’ONU souligne ainsi que plus de la moitié de la croissance démographique mondiale attendue d’ici 2050 sera concentrée dans seulement huit pays : la République démocratique du Congo, l’Égypte, l’Éthiopie, l’Inde, le Nigeria, le Pakistan, les Philippines et la Tanzanie. Ces pays, pour la plupart situés en Afrique subsaharienne ou en Asie du Sud, conservent des taux de natalité élevés et une population très jeune. À l’inverse, d’autres grands pays approchent de leur point de bascule démographique : la Chine, après des décennies de faible fécondité (1,2 enfant par femme en 2022 selon les dernières estimations), a atteint son pic de population plus tôt que prévu et amorce déjà un déclin. Elle pourrait perdre environ 200 millions d’habitants d’ici trente ans, soit une baisse de 14 % de sa population. De même, la population de l’Europe, portée un temps par l’essor démographique du XXᵉ siècle, ne représente plus qu’environ 10 % de la population mondiale en 2020 (contre plus de 20 % en 1950) et devrait culminer dans les années 2030 avant de diminuer par la suite. La géographie de la démographie mondiale se recompose donc profondément : le poids relatif de l’Afrique augmente rapidement, tandis que celui de l’Europe et de l’Asie de l’Est décroît.


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II. Explosion démographique et enjeux de développement

Dans les pays confrontés à une croissance démographique rapide, souvent liés à une fécondité élevée, le premier défi est de satisfaire les besoins primaires d’une population en plein essor. Une forte augmentation du nombre d’habitants exerce une pression sur les services et les territoires.


L’Afrique, un continent confronté aux enjeux démographiques


De nombreux pays d’Afrique subsaharienne, par exemple, voient leur population doubler tous les 30 ans environ, ce qui implique de construire des écoles, des logements, des hôpitaux, et de créer des millions d’emplois simplement pour maintenir le niveau de vie. Or, dans 46 des pays les moins développés, cette progression démographique fulgurante risque de compromettre les progrès sociaux. Les Nations unies estiment que les 46 pays les moins avancés figurent parmi les plus fortes croissances : beaucoup d’entre eux pourraient doubler leur population d’ici 2050, ce qui rendra plus ardue la réalisation des Objectifs de développement durable (éducation, santé, réduction de la pauvreté). Certaines régions cumulent une forte densité humaine et une faible résilience économique ou environnementale. Le Sahel africain, par exemple, fait face à une triple pression : démographique (des taux de natalité parmi les plus hauts du monde), environnementale (dégradation des terres sous l’effet du climat et de la surexploitation) et sécuritaire. La jeunesse de la population, si elle n’est pas encadrée par des perspectives économiques, peut engendrer chômage de masse et instabilité sociale. Néanmoins, cette jeunesse représente aussi une opportunité de développement, ce qu’on appelle le “dividende démographique”. Si la natalité baisse assez pour réduire la part des enfants à charge, tout en maintenant une large population en âge de travailler, un pays peut bénéficier d’une période où le ratio actifs/inactifs est favorable à la croissance économique. C’est ce qui a contribué au décollage de nombreux pays d’Asie de l’Est au XXᵉ siècle. Aujourd’hui, l’Afrique subsaharienne se trouve potentiellement dans cette phase décisive : entre 2030 et 2050, 90 % de l’augmentation de la population en âge de travailler dans le monde proviendra d’Afrique. Le continent africain aura d’ici 2050 une main-d’œuvre plus nombreuse que celle de la Chine ou de l’Inde.


Le défi du nombre face aux objectifs de développement 


Des politiques publiques proactives peuvent faire la différence et faire entrer dans un cercle vertueux la période d’accroissement naturel. L’une des clés réside dans la maîtrise volontaire de la fécondité par l’accès à l’éducation et à la contraception notamment chez les femmes. De nombreux pays en développement ont engagé des programmes de planification familiale et de sensibilisation, avec des résultats variables. L’exemple du Bangladesh est souvent cité : ce pays très peuplé a réussi à faire chuter son taux de fécondité de plus de 6 enfants par femme dans les années 1970 à environ 2,1 aujourd’hui, grâce à l’éducation des filles, à la diffusion de la contraception et à l’implication des communautés locales. À l’inverse, des pays comme le Niger ou la République démocratique du Congo peinent encore à réduire significativement la taille des familles en raison de facteurs culturels, d’un accès insuffisant aux services de santé reproductive et d’une moindre scolarisation des filles. Les institutions internationales (ONU, Banque mondiale, etc...) encouragent ces investissements dans la santé reproductive, l’éducation des filles et l’autonomisation des femmes, leviers reconnus pour faire baisser la natalité tout en améliorant le bien-être social. Parallèlement, il est crucial de tirer parti des jeunes générations déjà nées en améliorant leur formation et en stimulant la création d’emplois. La communauté internationale s’en préoccupe : l’Union africaine, par exemple, a lancé des initiatives sur le dividende démographique, et l’ONU intègre la variable populationnelle dans ses objectifs (comme l’ODD 4 sur l’éducation ou l’ODD 3 sur la santé, qui contribuent indirectement à baisser la fécondité). Enfin, il convient de mentionner le rôle des migrations internationales dans l’ajustement du “défi du nombre”. Face à l’incapacité de certains pays à absorber localement toute leur nouvelle main-d’œuvre, ou à cause des conflits. Cette migration Sud-Nord est, encore une fois, très inégale. La migration internationale en Afrique est active, mais elle reste nettement inférieure à celle observée sur d’autres continents, par exemple. À l’échelle globale, le continent demeure structurellement répulsif, ce qui se traduit par un surplus de départs par rapport aux arrivées, généralement autour de 2 millions de personnes par an, à destination des pays européens ou asiatiques


Infographie publiée par l’INSEE le 29/08/2024
Infographie publiée par l’INSEE le 29/08/2024

III. Sociétés vieillissantes et population en déclin

Dans les pays où la transition démographique est achevée ou très avancée, le principal défi est celui d’une population vieillissante et souvent en voie de diminution en effectifs absolus. Ce vieillissement s’exprime par une double tendance : une longévité accrue et une natalité durablement insuffisante pour remplacer les générations. 


La fin de l’accroissement démographique


Un nombre croissant de pays voient déjà leur population décliner. D’après l’ONU, 61 pays ou zones dans le monde devraient voir leur population diminuer d’au moins 1 % entre 2022 et 2050 du fait de la persistance de faibles taux de fécondité et, dans certains cas, de forts taux d’émigration. Ce groupe inclut bon nombre de nations d’Europe de l’Est, comme la Bulgarie, la Lettonie, l’Ukraine ou la Roumanie, ainsi que des pays d’Asie de l’Est, comme le Japon, la Corée du Sud, et d’autres comme l’Italie ou l’Allemagne. Au Japon, la baisse attendue est de l’ordre de 16 % entre 2020 et 2050, malgré la longévité exceptionnelle des Japonais, car les naissances y sont très peu nombreuses Dans ces conditions, l’âge médian de la population explose : il dépasse déjà 48 ans au Japon, 45 ans en Italie ou en Allemagne, alors qu’il n’est que de 18 ans au Niger ou 27 ans en Inde. Le premier défi du vieillissement est le déséquilibre entre générations actives et inactives. Le taux de dépendance des personnes âgées (rapport du nombre de seniors au nombre d’actifs) augmente fortement. Par exemple, au début des années 2000, on comptait environ 4 personnes en âge de travailler pour une personne de 65 ans et plus, en France ; ce ratio pourrait tomber à 2 pour 1 vers 2050 si les tendances actuelles se maintiennent. Dans des pays comme l’Italie ou le Japon, le ratio pourrait être encore plus défavorable. Ce basculement menace l’équilibre des politiques publiques et pose la question du financement des dépenses liées à la santé. Il faut souligner que le vieillissement n’est plus un phénomène limité aux pays riches. D’ici 2050, environ 80% des personnes de plus de 60 ans dans le monde vivront dans des pays à revenu faible ou intermédiaire. Des pays émergents comme le Brésil, la Chine ou la Thaïlande voient leur population vieillir à un stade de développement bien plus bas qu’en Europe. 


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De nouvelles problématiques de dépenses et de politiques publiques


Le vieillissement démographique exerce une pression croissante sur les finances publiques et les systèmes de protection sociale. D’une part, les dépenses liées aux personnes âgées augmentent mécaniquement : dépenses de santé (les seniors consomment plus de soins, et le progrès médical améliore la prise en charge de maladies chroniques), dépenses de retraites et minima sociaux, coûts liés à la dépendance (maisons de retraite, aide à domicile, etc.). D’autre part, les recettes fiscales ou sociales tendent à ralentir avec la stagnation, voire la diminution, de la population active et du dynamisme économique. Ce double effet met en danger l’équilibre de nombreux régimes. En France, par exemple, le débat récurrent sur la réforme des retraites reflète la nécessité de s’adapter au vieillissement. Au Japon, où près de 30 % de la population est âgée, le gouvernement consacre déjà près de 30 % de son budget national aux dépenses de sécurité sociale. Face à ces défis, les gouvernements adoptent plusieurs stratégies. La première consiste à encourager une prolongation de la vie active : incitations à travailler plus longtemps, recul de l’âge de la retraite, politiques de “vieillissement actif”. De nombreux pays d’Europe ont déjà reculé l’âge de la retraite, comme en Italie, en Allemagne, en Espagne, tablant sur l’amélioration de la santé des seniors pour justifier que l’on travaille au-delà de 65 ans. Certaines entreprises valorisent aussi l’emploi des seniors pour conserver leurs compétences. La deuxième stratégie est de réformer les systèmes de retraite et de santé pour les rendre soutenables. Cela peut passer par l’augmentation des cotisations, la diminution des prestations, le développement de retraites complémentaires privées, ou encore le renforcement de la prévention santé pour contenir les dépenses médicales. Enfin, la troisième réponse est le recours aux migrations internationales pour compenser le déficit de population jeune et active. Plusieurs pays développés misent sur l’immigration de travailleurs pour soutenir leur économie et contrebalancer les effets du vieillissement. Par exemple, l’Allemagne, confrontée à une main-d’œuvre vieillissante, a accueilli ces dernières années de nombreux migrants et adapté sa législation pour attirer des professionnels qualifiés de l’étranger. De même, le Canada et l’Australie ont des politiques d’immigration économique soutenues visant explicitement à augmenter leur population active. Selon les perspectives de l’ONU, dans les pays à haut revenu, l’immigration nette sera l’unique moteur de la croissance démographique dans les décennies à venir, la mortalité excédant désormais les naissances. 


En définitive, des régions connaissent une croissance vigoureuse de leur population jeune, créant un défi du nombre. Mais des pays affrontent un vieillissement rapide et parfois un déclin de leur population, posant un défi de soutenabilité. Ces dynamiques divergentes soulèvent des problématiques simultanés pour la communauté internationale. Toutefois, les politiques les plus efficaces seront probablement celles qui sauront tenir compte de l’interdépendance de ces trajectoires. Dans un monde globalisé, il importe d’imaginer des solutions coordonnées et réalistes : par exemple, intégrer les considérations démographiques dans les accords de développement, encourager les échanges de bonnes pratiques démographiques et plus largement promouvoir une vision solidaire de la démographie. Finalement, les défis du nombre et du vieillissement, loin d’être opposés, font partie d’un même enjeu global : celui d’assurer le bien-être des populations à tous les âges de la vie, dans le respect des équilibres économiques, sociaux et environnementaux. 


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