top of page

La décarbonation du transport maritime

  • Photo du rédacteur: Pytheas asso
    Pytheas asso
  • 28 mai
  • 6 min de lecture

Le transport maritime, pilier du commerce mondial, est aujourd’hui confronté à un défi environnemental majeur. Responsable d’environ 3 % des émissions mondiales de CO₂, il repose encore largement sur le fioul lourd, l’un des carburants les plus polluants. 


Dans un contexte de croissance continue des échanges internationaux, cette dépendance aux énergies fossiles soulève des enjeux critiques pour le climat. La décarbonation du secteur vise à réduire drastiquement, voire éliminer, les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050, comme le préconise l’Organisation Maritime Internationale (O.M.I.). Pour atteindre cet objectif, plusieurs leviers sont à l’étude : amélioration de l’efficacité énergétique des navires, recours à des carburants alternatifs (hydrogène, ammoniac, méthanol vert), électrification partielle ou encore captage de CO₂. Cependant, ces transformations nécessitent des investissements massifs, une coopération internationale étroite et une réglementation ambitieuse, à l’image de l’intégration du maritime dans le marché carbone européen dès 2024. La France et l’industrie maritime, ces dernières années, se sont montrées particulièrement impliquées dans le processus de décarbonation de sa flotte. Plusieurs entreprises et investissements vont dans ce sens. Mais dans ce contexte industriel, fortement lié à la transition énergétique, plusieurs problématiques se posent, notamment dans le prisme d’une compétition internationale importante. 


Alors, pour éviter que la transition écologique du transport maritime ne se traduise par un surcoût économique, à savoir, la hausse des prix, la perte de compétitivité à l’export, la pression sur le pouvoir d’achat, la France doit anticiper et structurer sa décarbonation. Cette transition doit reposer sur une coordination étroite entre acteurs publics et privés.


ree

Le plan de décarbonation du G.I.C.A.N. : enjeux et objectifs


En avril 2025, le Groupement des Industries Maritimes Françaises a publié son plan stratégique pour la décarbonation de la filière maritime française. Un projet ambitieux qui fixe les principaux objectifs économiques et environnementaux à atteindre. Ce plan intègre les réalités industrielles et propose des aides ciblées pour initier la transition à l’échelle nationale, en s’appuyant prioritairement sur des technologies déjà disponibles ou en cours de développement en France. L’objectif est de passer rapidement de l’expérimentation à l’application à grande échelle, avec des projets pilotes menés à bord des navires, dans les ports, ou encore via la création de corridors verts, tout en préparant l’industrialisation de solutions encore en maturation. 


Globalement, le plan prévoit un budget estimé à 14 milliards d’euros sur dix ans, dont environ un quart pourrait être financé par les recettes générées par les quotas carbone (ETS) désormais acquittés par les armateurs.


Ce financement répond à trois objectifs. Le premier vise à déployer et opérer une flotte de navires décarbonés, en construisant des démonstrateurs emblématiques du savoir-faire français, en modernisant les navires existants par des solutions de décarbonation adaptées, et en soutenant l’utilisation de carburants durables ainsi que le branchement à quai ou la propulsion vélique. Le deuxième objectif est de transformer les ports français en véritables hubs multi-énergie décarbonée, en développant les infrastructures de branchement et de recharge pour les navires hybrides ou tout électriques, en assurant la disponibilité des nouvelles énergies et en lançant les premiers corridors verts reliant la France à ses partenaires stratégiques. Le troisième objectif se concentre sur le renforcement des capacités industrielles et technologiques, avec le développement d’équipements décarbonés à forte valeur ajoutée, la mise en place de moyens de production, d’assemblage et de rénovation, ainsi que la création d’un écosystème d’innovation, incluant un centre technologique national, des programmes de recherche et des moyens d’essai dédiés.


La pluralité d’acteurs, de moyens et de projets, liés à ces objectifs complexifie la décarbonation de la flotte, pourtant déjà en mouvement. Des premiers financements et initiatives sont en effet menés sur le territoire. 


ree

Les premiers projets de décarbonation de la flotte


Les régions littorales sont les plus à même de répondre à ces objectifs et d’être une force d’initiative considérable pour réussir la décarbonation du secteur maritime. Comme préconisé par le rapport du G.I.C.A.N., la complémentarité des acteurs publics et privés doit être une constante. 


Dans ce sens, la Région Bretagne est une région pionnière. Le 5 juillet 2024, sur le port du Vivier-sur-Mer, près de Cancale, a été inaugurée la première démonstration grandeur nature d’une barge mytilicole équipée d’un moteur à combustion hydrogène, une première en France et peut-être en Europe. Baptisé E.S.T.E.B.A.M. (Étude d’une Solution pour la Transition Énergétique d’une Barge Amphibie Mytilicole), ce projet a été conçu par un consortium associant la CCI des Côtes‑d’Armor, CMV Amphibie, le cabinet d’architecte naval Pierre Delion, Europe Technologies/CIAM et le Comité Régional de Conchyliculture de Bretagne Nord. Lancé début 2023, il vise à remplacer, via rétrofit, le moteur diesel traditionnel par un moteur thermique fonctionnant à l’hydrogène, conçu par l’entreprise italienne Dumarey et installé localement. De même, un projet porté par des pêcheurs du Cap-Sizun (Finistère) vise à concevoir un prototype de bateau plus léger et moins énergivore pour pêcher de manière durable. Cette initiative s’inscrit dans une volonté claire de réduire l’impact environnemental de la pêche artisanale. En allégeant la structure du navire et en optimisant sa consommation, l’objectif est de diminuer l’usage de carburants fossiles, et donc les émissions de CO₂, tout en préservant les performances opérationnelles en mer.


Du côté du Pas-de-Calais, les compagnies investissent le champ de la décarbonation maritime. La compagnie maritime danoise DFDS a dévoilé un plan ambitieux pour décarboner ses traversées de la Manche, en optant pour des ferries entièrement électriques. Ce plan s’appuie sur un protocole d’engagement signé avec les ports de Dunkerque, Calais‑Boulogne et Douvres, acté dès le 15 mars 2023, afin d’accélérer la transition vers un transport maritime zéro émission d’ici à 2030. Ce protocole se concrétise par une enveloppe d’un milliard d’euros destinée à la construction de six navires à batteries, dont les deux premiers seront opérationnels dès 2030 sur les lignes Dunkerque‑Douvres et Calais‑Douvres, les suivants devant être mis en service avant 2035. DFDS, en coopération avec des experts en propulsion, conception navale et efficacité énergétique, entend concevoir ces navires sur mesure, avec au moins trois d’entre eux sous pavillon français, pour réduire au maximum leur impact environnemental. Parallèlement, un consortium mené par AVL et associant DFDS et l’Université de Kent a lancé une étude de faisabilité pour ces ferries, notamment en modélisant les systèmes batteries et propulsion, et en évaluant les infrastructures portuaires nécessaires à leur recharge.


La révolution verte de l’industrie maritime, gagne aussi l’enseignement supérieur. Le projet C-DéCIDé, porté par l’Université du Littoral, ambitionne de faire de la Côte d’Opale un pôle de référence national en matière de formation à la décarbonation industrielle. À travers la création d’une "Décarbo Industrie Académie", unique en France, le projet vise à former un large public, de la formation initiale à la formation continue, sur l’ensemble des enjeux liés à la transition vers une industrie zéro carbone. Ce projet repose sur la mise en place de sept plateformes technologiques interconnectées, appelées chantiers-écoles, qui serviront de supports pratiques pour l’apprentissage. 


ree

Perspectives internationales : où en est-on ?


La Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) a appelé à agir au plus vite pour décarboner le transport maritime dans un contexte d’augmentation des émissions de carbone. Pour comprendre cette stratégie de décarbonation mondiale, il faut revenir sur l’accord signé cette année, par les Etats membres de l’Organisation maritime internationale, sur un système mondial de tarification du carbone pour les navires de fret. Notamment pour pallier les objectifs de neutralité carbone et pousser, par la contrainte, la décarbonation des flottes : à savoir, la réduction de 40 % de l’intensité carbone d’ici 2030 et parvenir à la neutralité carbone d’ici 2050, avec des points de contrôle intermédiaires pour 2040. 


Mais dans un secteur en perpétuel évolution et compétitivité, difficile d’avoir des estimations précises. Selon l’O.N.U., la décarbonation du secteur nécessiterait entre 8 et 28 milliards de dollars par an pour transformer les navires, et jusqu’à 90 milliards par an pour adapter les infrastructures aux carburants neutres en carbone. Ces coûts risquent de peser lourdement sur les petits États insulaires et les pays en développement fortement dépendants du transport maritime. Les difficultés semblent s’accumuler : la flotte mondiale vieillit, avec une moyenne d’âge de 22 ans et plus de la moitié des navires ayant plus de 15 ans. Ce vieillissement accentue les difficultés pour les armateurs, qui manquent de visibilité sur les technologies et carburants à adopter. De même, les ports doivent anticiper des investissements considérables pour rester compatibles avec ces futurs standards énergétiques. Dans ce contexte, les initiatives françaises en matière de décarbonation semblent donc prometteuses et s’adaptent aux contraintes internationales. 


ree

Toutefois, les autres puissances maritimes, notamment les Etats-Unis, ne partagent pas les mêmes objectifs. En effet, la 83e session du M.E.P.C. (Comité pour la protection de l’environnement marin), organisée à Londres sous l’égide de l’Organisation maritime internationale (OMI), a été marquée par l’absence remarquée des États-Unis, qui ont choisi de se retirer des discussions sur la décarbonation du transport maritime. Face à ces tensions politiques, dix grandes compagnies maritimes internationales ont pris position en faveur d’une approche technologiquement neutre, exigeant de la clarté et de la stabilité réglementaire pour pouvoir investir dans la transition. Parmi les signataires figurent CMA CGM, MSC, Carnival, Ponant, Brittany Ferries, Gaslog, Capital, GNV, Angelicoussis Group et Pil. Tous défendent fermement le GNL (gaz naturel liquéfié) comme une solution de transition crédible, arguant qu’il constitue aujourd’hui l’une des seules technologies décarbonées opérationnelles à grande échelle. Mais sur le plan environnemental, cette posture soulève de sérieuses limites. D’après de nombreuses études scientifiques, cette prétendue neutralité est problématique dès lors qu’elle met sur un pied d’égalité des solutions qui n’ont pas le même impact climatique. Le GNL, bien que moins émetteur de CO₂ que le fioul lourd, reste un carburant fossile. Surtout, il présente un risque élevé de « methane slip » : des fuites de méthane, un gaz à effet de serre bien plus puissant que le CO₂, peuvent se produire lors de la combustion ou du stockage.


Commentaires


NOS PARTENAIRES

Label, partenaires et affiliations

image.png
image.png
CIRMA LOGO (1).png

NOUS CONTACTER

PYTHEAS 

Association Loi 1901

Mail : pytheas2024@gmail.com

  • Facebook
  • YouTube
  • LinkedIn

RESTEZ À JOUR

Abonnez-vous à notre newsletter pour être à jour

Merci pour votre envoi.

bottom of page